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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

Jan K. 

"Artiste peintre"

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            Aujourd’hui je vous présente l’artiste peintre Jana Koller, de son nom d’artiste Jan K. Nous nous sommes rencontrées au Musée Cantonal des Beaux-Arts où nous avons parlé de son parcours atypique en tant qu’artiste. Elle m’a fait découvrir son univers puisant sa source dans le sensible et dans le mouvement et ce, pour diverses raisons.

En premier lieu, Jana me raconte que c’est par le biais de Sonia Jebsen, rédactrice pour le webzine « Bythelake », qu’elle a entendu parler de l’association. En effet, cette dernière avait été voir l’une de ses expositions à la galerie « Mise en scène » de Morges et avait, par la suite, pris contact avec elle sur les réseaux et ainsi parlé d’Espace Artistes Femmes. Cela l’a motivée de savoir qu’une telle association existait et a donc pris contact avec moi afin de pouvoir l’intégrer, peut-être, ajoute-t-elle avec le sourire. De prime abord, je ressens qu’il est difficile pour elle de s’exprimer sur sa création. En effet, elle me dit qu’elle est préfère s’exprimer par la peinture, le geste voire la danse mais que les mots sont parfois un obstacle pour l’expression du soi. Tout ce qui est intime et de l’ordre de l’émotion se ressent dans son travail et il est donc peu aisé pour elle de le définir.

Depuis l’enfance, Jana a toujours été très créative et sur son « petit nuage » comme elle le dit si bien. Née à Bratislava, en Slovaquie, Jana est issue d’une famille de basketteur notamment son père. A l’âge de trois ans, elle part avec sa famille s’installer à Fribourg où ce dernier obtient un contrat de basketteur – entraîneur et joueur. Ils y restent pendant trois ans. Après cela, Jana, âgée de six ans, et sa famille doivent rentrer en Slovaquie. Ils fuient le pays pour revenir en Suisse une année seulement après leur retour car celui-ci a été difficile pour ses parents. Elle fait toute sa scolarité en Suisse, notamment des études en enseignement du sport et pratique le basket au plus haut niveau. Jana voulait faire les Beaux-Arts à Paris mais son père n’a pas souhaité qu’elle procède dans cette voie car il se souciait de son avenir et considérait que l’art n’était pas vraiment un métier.  Et donc, très naturellement, le basket s’est imposé à elle puisque toute sa famille le pratiquait et qu’elle a grandi dans ce milieu. Basketteuse semi-professionnelle – elle part d’ailleurs au Tessin à ce moment de sa carrière, travaille parallèlement dans le mannequinat– elle mesure un mètre huitante-cinq. Elle a beaucoup aimé cette période qu’elle considère très heureuse. 

Le sport a été donc central durant longtemps, dans sa vie. Mais quelque chose lui manquait, terriblement. Elle avait la sensation de ne pas être accomplie totalement. Dans sa tête l’idée de la peinture était là depuis très longtemps, elle n’avait simplement pas pu germer jusqu’alors. L’envie de créer avec la matière devient une chose insistante. La peinture est venue à elle comme une évidence et l’exploration de diverses techniques comme le collage vont enrichir son travail artistique dès le début. Petit à petit, me dit-elle, elle avance seule pour arriver à quelque chose d’authentique qui reflète ce qu’elle est vraiment. Son chemin de vie, elle l’accepte et le construit encore. Elle comprend les synergies entre la vie, le sport et l’art, partout, continue-t-elle, des points les font se connecter – complexe de légitimité. Elle réalise peu à peu que sa peinture est ce qu’elle est parce qu’elle est un avec elle. En ce sens, Jana ajoute qu’il est parfois difficile d’en parler. Elle pratique aussi d’autres sports tels que le kick-boxing, le yoga – dont elle donne des cours à l’université, ou encore la danse quand elle était petite et trouvait toujours un moyen d’y ajouter une note créative. Ainsi, dans sa peinture, elle va insister sur la notion du mouvement, la peinture est gestuelle et a besoin d’en souligner l’importance. Devant ses toiles, parfois, elle pose dans un mouvement, un élan du corps qui vient dialoguer avec le mouvement inclus sur le médium. Entre figurative et abstraite, sa peinture est le témoignage d’un lâcher-prise. Un concept émotionnel et gestuel qui lui permet de s’exprimer de la manière la plus authentique qu’il soit. La musique accompagne sa démarche. Elle ajoute qu’elle a des difficultés à le dire car elle pense que ça peut sembler banal.

Sa peinture entre le figuratif et l’abstrait est en constante évolution dans le courant de l’abstraction expressionisme, me dit-elle.  Elle a aussi connu des hauts et des bas ; ce qu’il faut accepter, continue-t-elle, car cela fait partie de la vie créative. Elle me raconte qu’à une période, elle dût lâcher prise. Perfectionniste et sans jugement, elle s’est repliée sur la spontanéité du mouvement. Ce n’est pas que la main mais le corps tout entier qui va la guider. Etre face à une peinture et la regarder, il faut prendre un temps pour l’apprivoiser, continue-t-elle. Comme se poser devant un miroir et le regarder avec son âme d’enfant et attendre que ça se passe. Elle-même, ainsi que le spectateur, sensible à son art, va se laisser happer dans cet univers et si le tableau fait échos, c’est que son message est passé et que la magie opère. Jana n’est pas toujours satisfaite du résultat qui anime sa toile. C’est pourquoi, elle la laisse de côté et revient avec un regard neuf sur des choses qu’elle n’avait pas comprises la veille. Elle souhaite que, non seulement, son propre vécu ressorte mais que le public puisse aussi apercevoir le sien Elle me raconte d’ailleurs l’anecdote d’une dame qui s’est mise à pleurer devant son œuvre intitulée « Le Petit Prince ». Provoquer l’émotion chez le spectateur confère à sa peinture un aspect magique. Peut-être est-elle peintre magicienne ? Car petite, elle rêvait d’être magicienne. Nous rions.

Il y a cinq-six ans, la découverte de l’art de Cy Twombly (1925-2011) est une révélation. Elle comprend alors qu’elle possède le droit de réaliser ce qui sort d’elle, d’accepter sa peinture –sans jugements sévères sur elle-même – et surtout accepter ce qui vient s’exprimer sur sa toile. Elle a été comme électrifiée, me dit-elle, lorsqu’elle a visité son exposition à Paris. Cette dernière lui a donné la force (la légitimité) et l’autorisation à aller vers ce qui sort d’elle car jusque-là, elle sentait parfois certains « complexes de l’autodidacte » qui l’empêchaient d’avancer dans sa vocation.

Il y a trois ans, en février, lorsqu’elle exposait l’une de ses toiles au salon du Grand Palais de Paris, elle reçoit une mention, à sa grande surprise, et, en juin, elle reçoit un courrier de l’Académie des Beaux-Arts de Paris mentionnant qu’elle avait obtenu un prix en peinture : un cadeau du ciel, ajoute-t-elle reconnaissante. Un mécène se baladant dans les salons d’art parisiens lui a décerné ce prix. A l’automne, elle repart à Paris, à l’Institut de France, pour la remise des prix. Il y avait une cinquantaine artistes, tout art confondu, et elle s’est sentie très honorée et privilégiée de se trouver parmi ces derniers. C’est magnifique, lui dis-je, de savoir que le talent est reconnu de cette manière-là. Je la félicite car elle le mérite, comme elle mérite d’être soutenue dans sa démarche artistique et son être artiste.

Sa signature est « Jan K. » car, depuis petite, elle avait l’habitude de signer « Janka » et elle voulait sortir de son nom de basketteuse « Koller », son nom de jeune fille. Ses tableaux sont instinctifs mais équilibrés et non recherchés. Influencée par ce qu’elle a reçu dans la vie, l’inconscient est au rendez-vous. La caractéristique de son art évolue au travers de différentes techniques afin d’exprimer une certaine liberté qu’elle a constamment recherché ; vers une peinture non formatée et libre. Elle aime travailler dans son atelier baigné de lumière lui apportant tant d’ouvertures, me dit-elle.

Jana est une artiste dont l’âme se reflète dans ses œuvres. Intuitive et persévérante, elle n’a eu de cesse d’aller à la quête de ce qui l’animait en tant qu’être dans ce monde. Après une carrière de basketteuse, elle s’adonne aujourd’hui à la joie de la création qui l’amène chaque jour à se dépasser et à se dévoiler. Si les mots lui manquent, la toile laisse transparaître ses messages multiples. La création l’amenant ainsi à se découvrir ou, se redécouvrir tous les jours

 

 

 

Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

 

Publié le 17 mai 2021

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