Marie Bagi vous présente,
Espace Artistes Femmes : Rose-Marie Berger ®
est une association et un espace artistique - itinérant et permanent - d’un nouveau genre qui veut mettre à l’honneur les femmes dans le monde de l'art. En raison de notre emplacement permanent et de notre focus sur les artistes femmes, nous sommes la seule association de ce type au monde, concept novateur, qui contribue à la visibilité des artistes femmes au niveau national et international grâce à à des conférences, des ateliers et des visites guidées réalisés au moyen de leurs oeuvres et dans lesquelles le concept de "l'intime" - c’est-à-dire, le lien existant entre leur vie et leurs œuvres et la manière dont la société peut les impacter - est central.
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Il est dédié à Rose-Marie Berger (1922-2019)- plus connue pour avoir été l'épouse du grand historien de l'art, philosophe et ancien directeur-conservateur du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, René Berger (1915-2009). Elle était une artiste de talent, comme beaucoup d'artistes femmes avant elle et aujourd'hui, dont le travail n'est, jusqu'alors, pas mis en lumière dans les musées ou encore dans les galeries.
"On ne devient pas artiste: on naît artiste." © Marie Bagi, présidente et fondatrice
*** Lumière sur une artiste ***
Aujourd’hui je vous présente l’artiste Maricela Salas Rico que j’ai eu le plaisir de rencontrer à la Brasserie de Chailly. Lors de notre conversation s’installe progressivement une confiance qui la laissera s’exprimer avec facilité sur la manière qu’elle a de concevoir ses œuvres qui sont reliées à la vie et représentées à sa manière en y ajoutant la couleur vive en référence à son pays natal, notamment. Rencontre.
Née à Mexico City, Maricela vit en Suisse depuis trois ans avec ses deux enfants. Elle est venue s’y établir à la suite de sa séparation d’avec son mari suisse resté au Mexique. Elle cherchait la sécurité et une bonne éducation pour ses enfants. Dans sa vie, elle a toujours créé et réalisé ce qu’elle appelle de « l’art-objet » fait de matières recyclées. Cela lui vient de son enfance. En effet, la chambre qu’elle partageait avec sa mère elle était remplie de tissus et de ciseaux de coiffure. De plus, elle gardait précieusement des cartons qu’elle collait afin de réaliser des maisons ou encore des voitures. Aimant mélanger les couleurs en jouant avec ses crayons de couleurs, elle apprend à tailler ces derniers avec un couteau de barbier, me dit-elle. Lorsqu’elle eut dix ans, sa marraine lui fait découvrir les arts en lui offrant un livre dédié à cent plus grands peintres. Et c’est en 1989 qu’elle se dirige vers les Beaux-Arts de Mexico City, l’École Esmeralda, où elle est admise en sculpture, peinture et gravure. Puis, elle ira dans deux institutions à Dublin pour poursuivre sa formation. Depuis son œuvre n’a cessé de connaître un développement.
Inspirée par la vie quotidienne qu’elle confronte, elle tient un journal visuel de ce qu’elle raconte : ses enfants, le décès de son père ou encore son divorce, notamment. Elle a d’ailleurs consacré une série à ces éléments de vie qui s’intitule « Apprendre », ajoute-t-elle. C’est une manière de montrer la situation actuelle par laquelle elle est en train de passer. Toutes les techniques qu’elle utilise tels que l’huile sur toile, le tissu ou encore le métal possèdent une signification. Tout sort, me dit-elle, et nous ne pouvons rien caché. C’est viscéral, continue-t-elle. Dans sa création figurative, nous retrouvons des personnages. Ces derniers sont centraux dans son œuvre et font souvent référence au monde du cirque avec humour. Nous ne savons pas de quel genre ils sont, ni même quel âge ils ont. La manière de les concevoir, longs et fins, nous fait penser qu’ils sont constamment en mouvement telles des feuilles dans le vent. Le contraste est marqué par l’utilisation de la couleur vive qui anime ces personnages. Tel une volonté de revenir à l’art brut, Maricela aime utiliser une manière de s’exprimer enfantine afin de susciter l’émerveillement du public qui regardent ses œuvres. Ainsi, nous les regardons avec des yeux plus purs qui nous font sortir de la dure réalité des responsabilités d’adultes.
Questionner la vie avec tout ce qu’elle implique face à nos incertitudes fait partie de la recherche artistique de Maricela. Ainsi, me dit-elle, notre équilibre que nous croyons avoir atteint est alors bousculé. Le tragique et le comique font partie de notre quotidien et est représenté de manière assez violente dans son œuvre en y impliquant toujours une figure humaine.
Dans l’une de ses dernières installations, Maricela touche non seulement au cœur mais aussi au corps avec une approche du matériel qui devient alors une thérapie. Les cœurs, qu’elle a commencé à créer avec des personnes handicapées avec lesquelles elle travaille régulièrement, sont en trois dimensions et en carton. C’est alors un rappel à ce qu’elle a vécu avec ce matériel dans son enfance. Ce carton se voit être mouillé pour être plus malléable, me dit-elle, mais cela lui donne aussi un côté éphémère. Mais en même temps, à l’intérieur, elle les protège. Comme dans la réalité, nous ne le voyons pas mais nous avons confiance en son activité et sa robustesse. Le corps fait référence à la culture aztèque avec le sacrifice des corps qui est le cadeau le plus fort.
Se confronter à soi est un apprentissage tout comme se confronter à la vie ce qui permet de la découvrir et de l’apprendre. Le côté empathique dans cet apprentissage, continue-t-elle, c’est l’écoute des gens. Elle a pu, ces dernières années, voir le contraste entre la Suisse et le Mexique. Avec la Suisse, c’est une autre réalité qu’elle dût apprendre. C’est, s’assumer pour tout et savoir apprécier ou vivre avec la discipline, me dit-elle. Avec le Mexique, c’est vivre avec la violence et ne pas être certain d’être en sécurité. En soi, deux mondes différents. La création est pour elle une manière de résoudre ses problèmes mais aussi s’exprimer. Puis elle conclut en disant, l’art est mon troisième enfant, en riant. Cet art, Maricela sait en montrer les multiples facettes tout comme la vie qu’elle ne cesse de représenter. En soi, l’apprentissage qui découle de la vie et aussi l’apprentissage qu’elle découvre peu à peu au grès de son travail artistique qui regorge d’anecdotes liées à son passé mais aussi son présent. Un art en construction qui lui fait penser que jamais elle ne pourrait quitter cette vocation qu’elle considère vitale.
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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie
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Publié le 25 octobre 2022
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