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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Monika Odobasic 

Peintresse, Autrice et Chanteuse

                      Aujourd’hui je vous présente l’artiste Monika Odobasic (Livia Ov, Aria, Bloodpact Paintings) que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Café de Grancy à Lausanne. Monika possède de multiples facettes artistiques qui font de son être artiste un tout complet, et qui se complémentarisent parfaitement afin de lui donner les meilleurs moyens de s’exprimer. Rencontre.

D’origine serbe, Monika et ses parents se sont installés en Suisse lorsqu’ils ont fui la guerre. Elle n’avait que cinq ans. Elle a grandi dans la banlieue de Belgrade d’un père bosniaque et d’une mère croate. Elle se souvient qu’à la fin des années 1990 elle dansait en cachette, sur des tubes de Michael Jackson (1958-2009), et créait des chorégraphies avec un groupe de copines chez l’une d’elles. Son deuxième souvenir lié à l’art. Le premier étant un poème sur son amour de la nature écrit à l’âge de huit ans.

Possédant un master en Philosophie, Monika aime jouer avec les mots et leurs significations. Entre danse, chant, écrits de chansons, écrits généraux et peinture, Monika touche à plusieurs médiums du monde de l’art. Sa première passion, me dit-elle, a été la danse. Elle a fait dix ans de cours de danse orientale qu’elle enseigne depuis septembre dernier. L’écriture est apparue lorsqu’elle avait huit ans. Découverte par un professeur, elle mettait sur papier tout ce qu’elle ressentait. Elle a réalisé une collection de peintures nommée Bloodpact Paintings: une vingtaine de tableaux, où sont représentés entre autres émotions, les cinq blessures de l’âme à la suite d’une lecture d’un ouvrage rédigé par une spécialiste de développement personnel Lise Bourbeau. Selon l’auteure l’identité des humains se construirait autour de ces cinq blessures fondamentales. Elle me parle de la blessure du rejet qu’elle a peinte brune et noire. C’est le sentiment de se sentir exclu, ajoute-t-elle. Le sujet l’a immédiatement interpelée car elle possède un intérêt pour le développement personnel. Dans les Balkans comme en Suisse, il n’est pas facile d’être pris au sérieux comme artiste. L’art compte peu, voire pas, car il n’est pas considéré comme une source de revenus. C’est seulement maintenant que son entourage commence à comprendre. Grâce à deux expositions de peinture, deux livres de poésie publiés, plusieurs spectacles de danse, une démo de rock et un album un cours d’enregistrement. En réalité, continue-t-elle, il y a certains talents dans sa famille mais personne n'en a jamais rien fait. C’est pourquoi, elle considère son travail comme étant un aboutissement. Les émotions sont son fil rouge. Elle m’avoue également que l’art c’est comme la nostalgie de quelque chose que nous n’avons jamais connu de notre vivant. Elle souhaite aussi montrer ce qui dérange. Et, plus c’est caché, plus elle a envie de le montrer. Sa première exposition, m’explique-t-elle, a eu lieu dans le jardin d’un ami luthier. Ils ont imaginé une scénographie intéressante mêlant guitares électriques et œuvres picturales. Un moment magique que de se balader dans cet environnement où les arts se confondent.

Monika a toujours beaucoup d’inspirations qu’elle souhaite réaliser. Ces idées sont aussi des mises en scènes qu’elle élabore puis, travaille avec des photographes afin d’immortaliser ces dernières. Tel un scénario, elle se met en scène dans un décor magique et imaginé agrémenté de costumes et d’accessoires. C’est elle qui guide la/le photographe vers la démarche à entreprendre. Elle ajoute que le fait de matérialiser une idée devient une obsession dès qu’elle est là : une obsession de vouloir créer quelque chose. Dans le même registre, elle effectue également des vidéos où il est possible de la voir danser afin de s’exprimer par le corps en image. L’écriture se matérialise sous la forme de livres où elle fait jouer les oxymores dont l’espoir, la mort ou encore la lumière, inspirés par des événements vécus par elle ou par les autres qui croisent sa route. Ces émotions sont alors mises en exergue. Elle écrit à la troisième personne afin que tout le monde puisse se reconnaître ; la vision de tout en chacun. Elle va ressentir à sa suite de toute création, une certaine liberté mais aussi un apaisement. Ce besoin de faire ressortir ses émotions lui vient du fait qu’elle souhaite exprimer l’invisible. Cela l’aide à exprimer ce qu’elle ressent mais aussi elle pense pouvoir aider les autres à ne pas se senti seul.x.es car elle connaît cette solitude.

Monika est auteure et chanteuse pour le projet rock EdgeStripper, un nouveau groupe, qui est en cours d’enregistrement d’album. Elle publie ses livres sous le pseudonyme « Livia Ov. » donc la signification se rapproche de « la vie de… ». La vie de tous ceux qui sauront se retrouver dans ces textes. Sur la couverture de son dernier livre Poésies limites publié en octobre 2022 se trouve une lune rouge. Cette dernière est le symbole de la féminité en liant avec le sang menstruel mais elle est aussi en lien avec les Balkans car elle y est synonyme de mauvais présage. La femme de sa lignée, comme beaucoup de nos ancêtres à toutes n’ont pas toujours pu s’exprimer et c’est important pour nous – femmes d’aujourd’hui - de parler et de nous exprimer pour celles qui n’ont jamais pu le faire, me dit-elle.  

Dans sa production au fusain, Monika nous fait découvrir des fantômes ou encore des spectres qu’elle imagine, ajoute-t-elle. Amatrice de tarot, elle va représenter l’Impératrice qui pleure dans l’une de ses toiles. Puis, elle représente aussi des runes utilisées d’une façon spécifique dans le tableau Meurtre afin de mettre en lumière un rituel malveillant. Cet intérêt pour le spirituel et le divinatoire lui vient du folklore slave mais surtout de sa grand-mère qui réalisait de la divination dans les graines de haricots, me dit-elle en riant. Dans son œuvre Beautiful Borderlines, le papier coupé au couteau au milieu fait référence à certains des personnes borderlines et le sang représente leurs blessures. Le tout est la volonté de montrer la beauté des personnes qui souffrent et qui sont blessées. Elle ajoute que ces personnes sont belles car elles portent leurs blessures avec beauté et sincérité. Son triptyque La Rage est réalisé avec du sang qui change de couleur car il est vivant, organique. C’est une manière de créer un tableau vivant, me dit-elle. Elle aime la vie et la philosophie de vie et donc, tout ce qui s’y rattache. Cœur brisé a été réalisé à la suite d’un chagrin d’amour. Elle est réalisée avec du sang et de l’acrylique. Nous y voyons la figure du loup qui dévore un cœur mais, plus particulièrement, son cœur. Je peux alors sentir que Monika, à chaque réalisation d’une œuvre, y laisse son âme. La profondeur avec laquelle elle s’exprime, autant par les mots que par les gestes, est interpellant. « Suicide » a été réalisée à la suite de la perte d’un ami. Le cercle blanc que nous pouvons voir sur ce fond noir est placé comme une étoile qui se meurt dans un dernier rayon de lumière. Ce sont les prémisses de sa disparition imminente. Un arrêt sur image de cette merveilleuse personnalité qui s’en va.

En soi, Monika s’imprègne de ce qui a en elle mais aussi autour d’elle pour réaliser ses œuvres. Tout ce qui l’anime prend vie sous diverses formes en fonction de la manière dont elle veut les montrer. Monika est déterminée à les partager car, sans l’art, elle ne ferait qu’errer dans ce monde. Avec l’art, elle a la possibilité de lâcher prise et laisser derrière elle des sentiments qui l’habitent telle Louise Bourgeois (1911-2010) qui disait qu’elle laissait derrière elle son passé afin de reconstruire son présent.

 

Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

Publié le 30 avril 2023

 

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