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Aujourd’hui, je vous présente l’artiste Alona Rieznichek, au parcours aussi singulier qu’inspirant. Fraîchement arrivée en Suisse depuis l’Ukraine, sa terre natale, elle porte en elle la force de la résilience et la douceur de la création. Peintre et illustratrice, elle puise son inspiration dans la nature et son vécu, transformant chaque expérience en une œuvre qui touche par sa sincérité et son éclat. Nous sommes rencontrées au Café de Grancy autour d’une boisson chaude, un beau moment de partage. Rencontre.

 

Originaire de Dnipro, une ville qui abrite l’une des œuvres les plus célèbres de Marie Bashkirtseff (1858-1884), L’Académie Julian (1881), elle a dû quitter son pays à cause de la guerre. Une association suisse l’a guidée, elle et son mari, dans son installation ici, où elle continue de poursuivre sa vocation artistique. Peintresse et illustratrice, elle m’explique qu’elle a donné des cours d’art à des enfants, une fois par mois et qu’elle a réalisé de nombreuses fresques pour des établissements scolaires et des crèches en Ukraine. Elle a aussi répondu à des commandes, me dit-elle, mais elle a arrêté, car cela ne correspondait pas à sa démarche. Aujourd’hui, elle travaille ses thèmes avec une grande liberté, centrée sur des sujets qui lui tiennent à cœur, comme les fleurs.

 

Elle me tend sa carte de visite, où s’épanouissent de magnifiques fleurs travaillées à l’aquarelle et enrichies de touches graphiques. Les fleurs sont devenues son sujet, me confie-t-elle, évoquant le réconfort qu’elles lui apportaient pendant la guerre, quand elle peignait en extérieur, souvent dans des champs de pivoines. Ce lien avec la nature, profondément ancré en elle, est devenu une source de force et de douceur. Parallèlement, ses œuvres abordent des sujets liés à la guerre. Elle me montre une création poignante : une femme repliée sur elle-même, réalisée en collage pour une gazette de guerre. Elle représente la guérison, explique-t-elle car elle cherche la paix, et ce n’est pas en peignant des sujets très durs qu’elle va y parvenir. Elle a besoin de douceur. Son style, empreint de liberté, est pour elle un chemin pour avancer et grandir en tant qu’artiste.

 

Sa première formation, curieusement, n’était pas artistique : elle a étudié la médecine vétérinaire, passionnée par les animaux qu’elle aime toujours profondément — elle vit aujourd’hui avec trois chiens et deux chats. Pourtant, elle a toujours senti en elle cet êtreartiste, qu’elle a pleinement embrassé après avoir intégré l’école d’art, St. Petersburg Academy of Art, puis suivi divers cours, notamment en ligne. En 2014, elle étudiait les techniques du « dripping » de Lee Krasner (1908-1984) et Jackson Pollock (1912-1956), et les points de Yayoi Kusama (*1929) dans le cadre d’un cours proposé par le MoMA sur la peinture d’après-guerre, cherchant à comprendre comment la guerre façonne les

artistes et à définir son propre style.

 

En ce moment, elle tend vers le statut d’artiste indépendante, forte de cinq expositions en deux ans de vie en Suisse. L’exposition au MAG de Montreux a été un tournant, lui donnant une visibilité nouvelle. Elle évoque avec émotion son dernier voyage en Ukraine, où elle a créé une œuvre dans un abri anti-bombes. Cette expérience, qu’elle a partagée lors de la conférence « Histoire et cité » à l’Université de Genève en avril 2024, témoigne de son désir profond; dans un monde détruit, elle aimerait être une créatrice, me dit-elle, c’est à chaque fois une nouvelle naissance.

 

Ses affiches d’expositions, comme celle du Château d’Éclépens, qu’elle conçoit elle- même, révèlent l’étendue de son talent, aussi bien en peinture qu’en graphisme vectoriel. Son français, qu’elle maîtrise avec une aisance impressionnante après si peu de temps, illustre la détermination et la résilience qui caractérisent son parcours. Un jour, elle espère avoir un espace plus grand pour créer de grandes œuvres, ajoute-t-elle, tournée vers un avenir où elle pourra continuer à explorer sa liberté créative, entre la beauté des fleurs et les promesses de renaissance.

 

Ainsi, son art est une renaissance. En effet, dans un monde marqué par la destruction, elle choisit de créer, d’apporter douceur et lumière à travers ses œuvres. Ses fleurs, symboles de résilience, et ses portraits empreints de guérison, témoignent de sa quête de paix et de sens. Avec une liberté créative qui la guide et une histoire personnelle profondément ancrée dans ses inspirations, elle incarne la puissance de l’art comme un espace de renouveau. Son parcours, entre force et délicatesse, invite chacun à voir dans la création une promesse d’espoir et de transformation.

Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

Publié le 2 février 2025

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