Aujourd’hui, je vous présente Elena Chioccarelli Denis, une artiste fascinante que j’ai eu le privilège de rencontrer dans son lumineux atelier à Lausanne, un espace où la lumière met en valeur ses créations pleines de sens et d’histoire. Lorsque j’ai franchi la porte de son atelier, j’ai pénétré entre dans un univers riche en couleurs, en textures, et en récits intimes. Dès les premières minutes de notre échange, elle m’a captivée par sa générosité et la profondeur de son parcours, mêlant héritage familial, voyages marquants et quête personnelle d’expression. De ses souvenirs d’enfance à Rome, sa ville natale, entourée de dessins et de tissus, à ses expériences en Argentine et en Suisse, chaque étape de sa vie semble avoir nourri son art, façonné par une curiosité insatiable et un amour pour la création sous toutes ses formes. Rencontre.
Elle commence par évoquer son grand-père, explorateur, zoologue en Éthiopie – alors colonie italienne – et au musée de Nairobi, une figure marquante qui semble avoir insufflé à sa famille une curiosité pour le monde et la nature. Son héritage artistique, cependant, vient aussi de sa grand-mère, une aquarelliste talentueuse qui peignait les fleurs africaines à une époque où la photographie en couleur n’existait pas encore. C’est un cadeau qu’elle lui a transmis, me confie-t-elle, comme une vocation presque innée. Née à Rome, elle a grandi entourée d’art, parfois à l’excès, dit-elle, se souvenant de ses visites régulières dans les musées avec sa mère, styliste et portraitiste en jeunesse, guide touristique de Rome et du Vatican de métier. Enfant, elle dessinait beaucoup. Pourtant, son parcours n’a pas toujours été linéaire. Pour mieux apprendre l'anglais et apprendre un métier, elle rêve l'Amérique et, partant un peu à l'aventure de son très jeune âge, s'inscrit dans une école de mode à New York. Elle travaille ensuite à Rome dans le domaine pendant quelques années mais n'y trouve pas sa voie. Plus tard, en Argentine, où elle vit pendant sept ans, elle s'imprègne de la production artisanale autochtone en redécouvrant des arts perdus, enrichissant ainsi son savoir-faire et son amour pour la création et le design.
Ce n’est qu’en Suisse, en 2006, qu’elle découvre véritablement une nouvelle liberté artistique. Depuis, elle explore sans cesse de nouvelles façons de s’exprimer. À son atelier, elle me montre des sculptures puissantes qui incarnent la maternité, enrichies de tissus récupérés de sa propre histoire familiale. Ces étoffes, dont le rouge – couleur de la vie – est souvent présent et parfois ornées de phrases tirées du journal de sa grand-mère, source d'inspiration de son travail "VITA", apportent une dimension émotionnelle et narrative à ses œuvres. Sa production aborde des thèmes tels que la mémoire, la maternité, les migrations, la nature, les paysages ainsi que les arbres tout en se laissant la liberté d’explorer et d’ajouter de nouvelles perspectives. Sa première exposition solo, "Esplorante" en 2017, a eu lieu à l'Espace 52 à Saint-Sulpice. Puis, en 2020, après une longue gestation, elle expose la première série de "VITA" à La Menuiserie à Lutry, avant de relever le défi de présenter son travail dans sa ville natale, Rome, et à Milan. Si la vente de ses œuvres est une reconnaissance précieuse, ce n’est pas une finalité, me dit-elle. Son approche est empreinte d’une profonde attention au processus. Elle ne jette jamais rien, stockant tout ce qu’elle pourrait réutiliser dans un dépôt à l’extérieur de son atelier. Inspirée par l’universalité des émotions et des liens humains, elle fait de l’art une forme de vie et de partage. Chaque pièce est une tentative d’être au plus près de l’essence, conclut-elle.
Elena est une artiste en quête de sens et d’authenticité, portée par un héritage riche et un désir profond de création. Son art est un voyage au cœur de l’intime, une exploration des liens invisibles qui tissent la vie : la mémoire, les racines, la transmission. À travers ses œuvres, elle invite à plonger dans un dialogue profond avec soi-même, à ressentir la force des émotions brutes et la douceur des souvenirs partagés. Chaque création est une part d’elle-même qu’elle offre au monde, un témoignage sincère et universel où l’intime devient une passerelle vers l’autre.
Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie
Publié le 2 février 2025


