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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Cécile Goffart 

"Peintresse"

           Aujourd’hui je vous présente l’artiste Cécile Goffart que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Café de Grancy à Lausanne. Au cours de cette rencontre, Cécile se livre peu à peu sur la manière dont sa vocation artistique est apparue et comment ce besoin de créer a toujours été présent malgré tout. Amie de Sabine Gugler, artiste de l’association, et découverte du dernier article dans le 24 heures, elle prend l’initiative de mon contacter. Rencontre.

Née en Belgique, toute sa famille s’y trouve à côté de Bruxelles, Cécile s’installe en Suisse après ses études qu’elle réalise en Sciences sociales. Malgré ses études, elle garde toujours un grand attrait pour l’art tels que le dessin dont elle prend des cours, la danse et le théâtre, qu’elle commence à douze ans, car le besoin de s’exprimer est vital chez elle. Avec des relations familiales compliquées, c’est une fillette en souffrance qui va être transformée par le théâtre car les émotions qui se trouvaient au fond d’elle avaient besoin d’être exprimées. Le canal d’expression a, depuis, changé mais le besoin ne l’a jamais abandonnée.

Lorsqu’elle avait vingt-quatre ans, une collègue avait réalisé sa numérologie et lui avait dit qu’elle se consacrerait à une activité créatrice – ce qu’elle n’a, au départ, pas cru puisqu’elle se sentait peu avantagée en dessin, notamment, me dit-elle en riant. Difficile pour elle de m’expliquer ce qu’il s’est réellement passé… A quarante-sept ans, dans un état d’euphorie, elle achète une petite toile et exécute un mouvement qui va vouloir la faire recommencer. Elle sent qu’une alchimie se crée entre la toile et elle. Deux ans plus tard, elle se libère et se lance avec la création de son atelier. Elle comprend alors que c’est une nécessité, ajoute-t-elle. Ne se sentant plus à l’aise dans son travail, ni vraiment à sa place, elle décide de consacrer son temps à la peinture qui devient son activité principale.

Lorsqu’elle tombe malade, d’un cancer du sein, la peinture devient alors plus que sa compagne, elle devient sa survie. C’est à cette période qu’elle trouve un atelier avec vitrine, plus spacieux que celui occupé jusque-là. La peinture est un moyen d’expression mais elle est aussi un moyen de réparation. Les thématiques qui la touchent sont l’eau et la nature qui sont rythmés dans des toiles abstraites recelant des paysages. Car, comme nous le savons, l’abstrait mène au figuratif et vice-versa. Elle insiste en me disant qu’elle n’a pas choisi ce style, ces sujets. Ils se sont imposés à elle comme une évidence. Elle ajoute qu’elle évite de se mettre des barrières en regardant la création d’autrui car elle sent qu’elle doit se laisser aller et suivre ses propres instincts picturaux. Devant ses toiles, au départ, elle n’a aucune idée d’où elle va aller. En effet, un geste va en appeler un autre comme une danse rythmée qui laisse apparaître ses traces, pensais-je. Parfois, elle sent qu’elle peut bloquer et parfois, tout se passe comme elle le souhaite. D’instinct, encore une fois, Cécile sait lorsque sa toile est terminée. C’est viscéral comme un ressenti qui vient du plus profond de l’être dans son accomplissement.

Dans tout ce processus, elle découvre des choses sur elle-même et se pose régulièrement des questions telles que « pourquoi cette forme ? » et « pourquoi cette couleur ? ». Elle constate que sur des périodes, il y a des récurrences. Elle en regarde alors la symbolique et en conclut que c’est là où elle en est, où elle doit être. Par exemple, me dit-elle, lorsqu’elle souffrait de sa maladie et qu’elle subit des opérations, la forme du rectangle apparaissait sur ses œuvres. Elle pense alors qu’il s’agissait de la force et de la stabilité qu’elle possédait en cette phase de reconstruction. En soi, la peinture parle à sa place, ajoute-t-elle. Pas besoin de mots, tout est créé. Elle se fait confiance, tout comme fait confiance à son geste, à sa toile. Elle se sent toujours en phase avec ses émotions pour créer et dit ne pas avoir peur de « la toile blanche » - ce qui est souvent un mythe. De 2016 à 2018, ses œuvres sont réalisées plutôt dans les tons gris alors qu’en 2019, la couleur revient telle une urgence de vivre après le tumulte qui a régné sur sa vie. Son rapport à la vie est alors différent. Elle passe de la douceur à l’énergie et ces phénomènes peuvent s’observer au contact de son travail.

Elle a suivi quelques cours de peinture mais elle aime expérimenter toute seule car elle apprécie particulièrement le fait de pouvoir se « lâcher complétement ». De plus, elle ne se soucie pas du regard des autres. Elle aime prendre des risques et oser, et le résultat est visible. Elle n’a pas réalisé beaucoup d’expositions mais elle est en a eu une à Lutry où ses toiles se sont bien vendues. Actuellement, elle est exposée à l’Hôtel de Ville de Crissier à la Galerie Ferrari et bientôt, elle en aura deux autres. Elle vend plus ou moins régulièrement mais n’arrive encore pas à en vivre. C’est le problème avec l’art aujourd’hui c’est qu’il faut être constamment visible et essayer de faire ingérer à la société qu’il s’agit bien là d’un métier. La première fois qu’elle a exposé, elle se trouvait dans un état de stress car, finalement, exposer c’est s’exposer, se mettre à nu. Lorsqu’elle était enfant, elle n’a pas eu de reconnaissance et elle sent qu’elle est tout de même à sa recherche, me dit-elle en s’émotionnant. C’est, en somme, la dure quête de l’artiste qui semble devoir toujours se justifier alors qu’en réalité, ce qui vient de soi est le cadeau le plus pur que nous puissions offrir à la société.

Aller à l’atelier, c’est « sa fenêtre », une ouverture car elle se trouve dans l’instant présent, où tout le reste disparaît. Elle se trouve dans un état de lévitation lorsqu’une œuvre se termine. C’est l’accomplissement de l’expression de ses sentiments qui voit le jour et qu’il laisse alors sur elle une sensation d’avancer. En soi, elle aime se surprendre et se découvrir au fur et à mesure de ses créations qui, de par leurs présences, vont lui permettre d’avancer mais aussi de laisser au monde une empreinte dont elle seule connaît le secret.

 

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié le 5 novembre 2022

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