top of page

*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Joëlle Cabanne 

Peintresse

              Aujourd’hui je vous présente l’artiste Joëlle Cabanne que j’ai eu le plaisir de rencontrer autour d’une boisson chaude au Café de Grancy à Lausanne. Un beau moment d’échange qui a mêlé art, architecture et cheval créant ainsi une dynamique riche et touchante. Rencontre.

Joëlle commence par me dire que cela fait trente ans qu’elle s’assume en tant qu’artiste et pourtant, le chemin a été long et elle a dû se battre beaucoup seule dans cette aventure. Pourtant, sa première exposition, elle la réalise à seize ans et, me dit-elle en riant, elle a tout vendu. Elle a eu lieu dans un tea-room à Genève. Son premier sentiment a été de ne pas vouloir vendre car, ajoute-t-elle, les premières ventes sont bizarres. Elle a eu l’impression de laisser partir un bout d’elle-même – quelque part, c’est vrai. C’est à ce moment-là qu’elle me dit avoir fait une maturité artistique. Son père était architecte, sa mère office manager de bureau d'architecte et c’est eux qui l’ont amenée, en quelque sorte, dans le monde artistique. Elle se souvient qu’elle coloriait sur des calques avec des crayons de couleurs polychromos très souples : ses premiers pas dans des bureaux d'architecte où travaillaient ses parents. Elle se dirige vers une demie licence d’histoire de l’art, de grec moderne, histoire du cinéma à l’Université de Lausanne. Après cela, elle s’inscrit en architecture à l’EPFL mais c’est la période où elle perd son père. Elle se plonge alors dans ses passions qui vont être une thérapie : le cheval et la peinture. Depuis un certain nombre d’années, elle a ouvert un cabinet d’architecture et d’urbanisme avec son mari à Carouge.

Joëlle travaille actuellement sur trois séries en même temps. Le dessin et la peinture font partie intégrante de sa création. Le dessin car elle aime le geste et le rapport au papier, me dit-elle, et la peinture car elle aime utiliser des techniques inédites avec des techniques de bases tel que l’encre – depuis 2010 –, qui n’est pas facile à maîtriser, mais avec lequel elle réussit à faire émerger diverses profondeurs. Le bleu, comme elle aime à l’appeler son indigo, est fait par elle-même et est sa couleur dominante dans ses œuvres. C’est un long processus qui prend un à deux ans pour le faire. Lors de chaque vente d’œuvres, elle reverse cinq pour-cents à une association œuvrant pour la sauvegarde de la biodiversité. C’est une manière de les soutenir dans leurs initiatives.

Sa passion pour la nature, nous le voyons dans l’élaboration de ses toiles qui, ressemblant à des abstraits, met en scène des paysages. Ceux-ci sont représentatifs d’un paysage intérieur, un rituel qu’elle exécute au son d’une chanson qu’elle remet en boucle. Elle travaille donc avec le rythme, me dit-elle. Elle peint souvent à terre surtout qu’elle exécute une toile avec de l’encre car, ajoute-t-elle, elle a besoin de cette vision « par-dessus ». Elle fait le vide de ce qui est « intellectuel » et fait marcher son intuition, son émotion sur n’importe quel support, me précise-t-elle ensuite. Elle me parle d’ailleurs d’ancien draps qu’elle a récupéré puis peint. Cela peut durer des heures durant lesquelles elle ne boit pas ou ne mange pas. C’est un lieu spirituel son atelier. Elle l’appelle le processus de connexion « un titre » est égal à « InProcess ». C’est après exécution qu’elle sait ce qu’elle a fait. Coloriste dans l’âme et sur médium, son professeur au collège disait qu’elle était dans le bleu, au niveau conceptuel. C’est peut-être donc quelque chose qu’elle a repris dans l’utilisation de la couleur bleue car, me dit-elle, elle dit pleins de choses. Elle continue en me disant qu’un jour cela sera fini à cause de la mort et elle ne l’envisage pas car elle a tant de choses à expérimenter. Elle aime la vie, la planète, la nature et rien que de penser à la disparition, elle se dit que c’est affreux. N’étant pas croyante dans l’absolu, elle me confie pourtant posséder un médaillon de San Michele, ramené par une amie lors d'un voyage à Rome, dans son portefeuille – il est protecteur des âmes défuntes et leur introducteur dans le paradis, en soi, un convoyeur d’âmes. A nouveau, un lien avec la mort se dessine. Elle compare ensuite sa pratique artistique à son activité équestre qu’elle a commencé à l’âge de trois ans. C’est un besoin, une nécessité qui l'éloigne de la pensée du temps qui passe. Mais je lui ai dit qu’elle était immortelle vu qu’elle crée… nous, nous ne sommes que de pauvres mortels qui n'aurons sans doute pas laissés de traces dans ce monde. Cela l’a fait sourire et elle ne pouvait qu’acquiescer. Enfin, créer c’est susciter l’échange mais aussi, c’est comme un voyage car nous sommes dans notre élan mais aussi l’artiste amène celui qui regarde son œuvre dans son voyage. C’est une porte ouverte qui donne des possibilités infinies. Et, lorsque nous nous plongeons dans son travail, nous ne pouvons pas nous empêcher de voyager dans ces paysages dont le bleu nous renvoie à l’infini, à la vie.

​

​

Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

​

Publié le 14 juin 2023

​

​

bottom of page