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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

Monica Gersbach-Forrer 

"Artiste peintre"

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            Aujourd’hui je vous présente l’artiste Monica Gersbach-Forrer qui m’a si agréablement accueillie chez elle où nous étions entourées par certaines de ses magnifiques œuvres semblant dialoguer entre elles. Autour d’un café, elle me raconte son parcours qui l’a portée vers la consécration de sa vocation artistique.

Suissesse, Monica a grandi aux Etats-Unis. En voyage de noce à New York, ses parents découvrent une annonce dans le New York Times, son père y répond et grâce à son diplôme de l’EPFZ, il se voit offrir la possibilité d’un doctorat à la Stanford University à Palo Alto en Californie. Aînée de quatre enfants, elle passe son enfance dans cette région qui fascine la famille qui l’explore passionnément. A l’âge de dix ans, elle retourne en Suisse avec sa famille et vit à Neuchâtel puis à Lausanne, Zürich, Berne et Genève.

Monica réalise des œuvres depuis l’enfance. Entre bijoux-sculptures à porter, dessin et peinture, sa créativité va s’étendre de la cuisine à la réalisation de cabanes avec ses petits-enfants, bien des années plus tard. Elle me raconte ainsi une anecdote, quand elle était enfant, sa mère et sa grand-mère la sollicitaient toujours pour composer le plat froid du dimanche soir pour la famille et ainsi donner libre cours à une interprétation créative et culinaire. Son élan artistique est donc, dès le départ, reconnu par les membres de sa famille et la satisfaction est présente. Ayant toujours été animée par la volonté de faire beaucoup de choses, c’est finalement vers la médecine qu’elle va se tourner, guidée par son père qui lui conseilla de prioriser ce parcours qui la fascinait et, qu’elle aura toujours le temps, plus tard, d’élargir sa formation vers l’art si cette passion restait si intense. Insistant sur son parcours médical, Monica me dit qu’elle a eu une belle vie entre mari, enfants et pratique médicale, son rôle de maman toujours comme centre de gravité. Elle a travaillé à l’hôpital de l’Ile à Berne et aux HUG à Genève en tant que spécialiste FMH en génétique médicale. Mais en 2005, une maladie migraineuse prend des proportions qui imposent un arrêt de travail. Elle part à la montagne durant un mois pour se ressourcer et réfléchir à l’incompatibilité entre cette maladie à gérer et son métier hospitalier. Durant ce mois-là, dès que sa santé le permettait, Monica n’a eu de cesse de peindre et depuis, elle n’a jamais cessé. Cela a été le déclic de l’abandon de la pratique médicale. Cela a été difficile, me dit-elle, mais elle ajoute aussi que parfois la vie décide pour nous et nous ne pouvons aller contre elle. En 2012, une grave complication d’un traitement contre la migraine, impose une intervention à cœur ouvert ; une épreuve douloureuse. Aujourd’hui, lorsqu’elle sent qu’une migraine sévère arrive, elle pose le pinceau, la toile peut attendre là où l’hôpital ne pouvait pas, repos et patience forcés. Heureusement, me dit-elle, cela passe et elle est portée par la toile qui attend et qu’elle se réjouit de reprendre. Sa hantise serait de ne plus pouvoir peindre.

En regardant autour de moi, je vois l’influence japonaise dans ses œuvres mais aussi dans la décoration intérieure. Cette fascination pour le Japon, me dit-elle, lui vient d’une carte postale qu’enfant elle avait reçu de son père et qu’elle possède encore, ainsi que d’un livre sur les techniques Sumi-e reçu de lui. Elle souhaitait élargir ses techniques traditionnelles liées à l’acrylique et à l’huile. Une envie d’épure est alors dominante. Ainsi, elle crée elle-même certaines couleurs au moyen de pigments bruts, conseillée par un spécialiste et va mélanger les techniques entre pigments minéraux, encre, acrylique et huile. Elle a également pris des cours avec une artiste sud-coréenne, formée à Kyoto, qui enseigne le Nihonga (peinture de tradition japonaise) au Musée Guimet de Paris et dans son atelier. Depuis 2014, son compagnon et elle ont fait quatre séjours au Japon. A chaque voyage, ils sont restés un ou deux mois où ils ont beaucoup rôdé à vélo. Elle en profite également pour visiter de nombreuses expositions, notamment aussi d’artistes femmes. Elle me raconte avoir été frappée au Japon par l’impression que certaines artistes femmes tendent à rester à vie les « élèves » d’artistes hommes dont elles semblent pourtant avoir largement acquis le niveau sans oser se l’admettre alors que d’autres, peut-être encore assez rares, osent s’affranchir et prendre leur envol faisant fi de l’historique soumission féminine. A Kyoto, un groupe d’artistes femmes, d’un niveau impressionnant, lui a semblé ainsi ne pas oser s’affranchir de leur maître, ni oser sortir de très beaux, mais tout petits formats malgré leur envie, un peu comme si les grands formats étaient réservés au maître, à l’homme aussi et symbolisaient un respect dû. A Tokyo, au Musée Sato Sakura, elle a découvert au contraire des expositions de Nihonga où des artistes femmes semblaient avoir trouvé leur pleine place parmi leurs collègues masculins et tous présentaient leur travail artistique en pleine collégialité.

Du Japon, surtout à Kyoto et Kanazawa mais aussi ailleurs, partout où l’art explore le présent sans renier l’héritage de la tradition, Monica apprécie la culture, le savoir-faire, la minutie et la délicatesse ramenée à l’essentiel dans tous les aspects de la vie et de l’esthétique. Cette exploration japonaise a été comme une réponse à une intense quête intérieure, à un désir de simplification et d’épure qui a renforcé encore sa persévérance et sa confiance en elle. La signature sur ses toiles, reprenant le petit carré à l’orientale, est un aspect visuel important. Il va souvent équilibrer un déséquilibre ou un vide nécessaire. Apparaissent également souvent les oiseaux dans ses toiles et particulièrement le martin-pêcheur car, me dit-elle, c’est un oiseau difficile à voir car très rapide dans ses gestes. Pour elle, ils sont une métaphore et symbolisent certains aspects de la vie : la solitude, la légèreté, la liberté heureuse et le défi des dangers. La génétique rend sensible à la parenté entre toutes les formes de vie et Monica doute de la soi-disant supériorité de l’être humain dans la nature ; la meilleure évolution serait de mieux filtrer le cerveau avec le cœur.

C’est grâce à son compagnon qui lui a montré l’article dans le 24heures qu’elle a connu Espace Artistes Femmes : ça tombait du ciel, me dit-elle, reconnaissante.

Sur la fin, elle me fait par d’une influence qui l’accompagne à chaque initiative de création. En effet, elle me dit qu’il faut déjà reconnaître ce qui nous anime puis le transformer par notre toucher ; elle ajoute qu’il faut oser l’intuition. S’exprimer, la transformation mentale, ce que nous pouvons traduire sont des besoins vitaux insiste-t-elle, et je le ressens en elle et dans son travail. Monica, lorsqu’elle parle de ce qui l’anime, nous fait ressentir l’importance de l’art dans sa vie mais aussi l’importance de pouvoir partager ce dernier. En vue de cela, la douceur et la pureté que dégagent ses œuvres sont le témoignage d’une vocation artistique profonde dont elle ne peut faire fi et qui mérite d’être connue.

 

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Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié 14 juin 2021

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