top of page

*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Nadia Merzoug 

Artiste plasticienne

            Aujourd’hui je vous présente l’artiste Nadia Merzoug que j’ai eu le plaisir de rencontrer à l’EAF en novembre dernier. Un plaisir de découvrir son monde qui relate non seulement son histoire de vie mais aussi une position affirmée avec la vision que notre société possède de la femme et qui perdure. Rencontre.

D’origine helvético-algérienne, Nadia est née à Vevey, a grandi dans le Valais et y est restée jusqu’à ses années de jeune adulte. Depuis de nombreuses années, elle travaille la peinture. Sa production s’étant intensifiée à la naissance de son premier enfant, me dit-elle. Consciente des défis que représente la conciliation entre la maternité et la vie artistique, elle a décidé de s’épanouir sur tous les plans. Son rôle d’artiste occupe une place centrale dans sa vie. En effet, elle me dit qu’elle ne pourrait vivre sereinement si l’art n’était pas là pour l’apaiser. Elle me parle d’ailleurs de gestes qu’elle exécute dans l’urgence car elle répond à ce besoin de créer et que ces gestes, qu’elle qualifie de compulsifs, donnent naissance à des rendus abstraits laissant la marque de ses émotions du moment. Elle aborde la peinture avec une certaine urgence, une avidité et une rapidité, craignant de perdre du temps, me dit-elle en riant.

Si le geste est important, la couleur l’est tout autant. Elle me dit qu’il s’agit même d’un « appel de la couleur », avec un grand sourire, comme si cette dernière l’appelait à réaliser, au travers du support, une danse pour laquelle, elle seule connaît le secret.  Elle continue en disant que ses recherches artistiques se dirigent vers des paysages colorés qui prennent leur source dans ses sessions de course à pied près du lac. Elle est persuadée de l’existence d’une corrélation entre ces moments de course en liberté et la transcription picturale qui en découle. Chaque œuvre se distingue par une date plutôt qu’un titre, une succession de chiffres permettant à chacun de s’y projeter, tout en rappelant un moment précis de sa vie. Pour elle, peindre est un moyen de retenir le temps, comme évoqué plus haut. Il y a cette idée que ce qui est à exprimer sur la toile devient immortel car saisi dans le support qui devient porteur d’un message et du temps. Il n’y a jamais deux œuvres identiques, ajoute-t-elle, car elle ne le souhaite pas et aussi parce que chaque lac et montagnes qui sont dépeints transmettent un moment de vie différent mais aussi des émotions différentes. En soi, elles sont liées à des moments bien précis de sa vie.

En parallèle de sa production abondante d’œuvres abstraites évoquant le lac et les montagnes, une partie de sa recherche actuelle se concentre sur un thème intitulé « Les femmes disparaissent ». Cette exploration trouve son origine dans la lecture du livre « Trois femmes disparaissent » d’Hélène Frappat (*1969), mettant en lumière le destin de trois actrices qui s’évanouissent. Cette lecture a été une révélation, la poussant à travailler en sérigraphie sur des photos d’actrices, la plupart célèbres et ayant souvent connu une fin de vie tragique, voire ayant subi des violences sexistes ou sexuelles. Elle va alors masquer une partie de leurs corps afin de faire référence à cette disparition, me dit-elle. Elle va même jusqu’à insister sur le terme « évaporation ». Elle travaille avec le fil, ajoute-t-elle, afin de marquer cette idée qu’elles sont coupées en deux. Ce qui est très fort et marquant pour relater l’histoire de ces femmes. À la suite de cette lecture, elle s’est également penchée sur les slashers qui ont marqué son adolescence, explorant le traitement réservé aux femmes et les images renvoyées par ces films. Son ambition est de présenter ce travail avec des extraits de films, des bandes sonores et des textes rendant l’expérience la plus immersive possible, comme su nous y étions, me dit-elle.

Je ressens une envie ardente chez Nadia de replacer ce qui est juste en véhiculant des images fortes qui iront questionner notre société patriarcale qui n’en finit pas de sévir. Avec talent et assurance, sachant où se diriger, elle est de celles qui feront la différence dans la portée des messages qu’elle a à transmettre et ce, avec talent grâce à sa vocation artistique.

 

​

Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

​

​

Publié le 5 avril 2024

​

​

bottom of page