top of page

*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Yolanda di Fede 

Artiste plasticienne

                    Aujourd’hui je vous présente l’artiste Yolanda Di Fede que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Café de Grancy. Elle se confie sur sa vision de l’art, de son art et de comment la peinture lui sauve la vie chaque jour. L’art est alors un moyen de survie mais aussi un moyen d’expression fort avec lequel Yolanda n’hésite pas à exprimer ce qu’elle a au plus profond d’elle-même. Rencontre.

Yolanda, d’origine italienne, est née à Zug et vit actuellement à Zürich. Depuis qu’elle est enfant, elle a toujours été portée par la création mais elle s'est dirigée vers des études de commerce et a quitté définitivement la peinture pour suivre une voie plus "raisonnable", selon le monde qui l'entourait. Il y a dix ans, ajoute-t-elle, cependant, tout a changé dans sa vie. Elle est retournée à ce qu’elle aimait faire étant très jeune et qu’elle avait négligé pour sa carrière, c’est-à-dire, de la couture, la broderie, la danse et surtout peindre qu'elle reprend enfin lors du Covid en 2021. L’aspiration à l’épanouissement intérieur l’a conduite à une interprétation émotionnelle de la réalité.

Elle me confie qu’elle n’a pas suivi la route classique et qu’elle possède un chemin inconventionnel. La peinture et maintenant aussi la sculpture font alors partie de sa vie de manière assidue. Elle peint de manière à la fois abstraite et figurative en s'inspirant des gens de la mode et des sentiments, surtout des gens et des choses vécues. Cependant, elle ne cherche pas à créer des images et à les « peindre » de la manière la plus réaliste possible, explique-t-elle. Elle rend visible ce qui reste caché à l’œil des autres, mais qui est important pour elle. Sans classement. C’est pourquoi elle ne peint pas des portraits, ce sont plutôt des représentations caricaturales des gens. Elle perçoit un geste ou un geste de la main, ou le regard d’un être humain, et c’est comme ça qu’il apparaît dans ses images. Ça se fait tout seul. En peignant les différents sujets humains, parfois difficiles, Yolanda les confronte en même temps, explique-t-elle. Si elle se tourne vers un sujet, elle le traite en même temps : la transformation, ajoute-t-elle. C’est là où la guérison commence. Parfois, les messages sont subtils et délicats dans leurs images, mais ils peuvent aussi être assez directs et agressifs, émouvant et touchant. Un moyen aussi de communiquer et de toucher aussi le spectateur avec sa peinture pour contrer l’industrie parfois abrupte, sombre et d’une grande détresse pour les gens inquiets, avec un monde de nouvel espoir.

Possédant un penchant pour la mode, elle questionne le monde, inspirée par elle. Des éléments décoratifs ou encore la couleur font vivre ses œuvres et, lui permettre ainsi de se sentir mieux, voire différente. Le besoin de la couleur est récurrent dans son travail. C’est une question de moment et de ce qu’elle ressent au moment précis où sa main se met en action pour peindre.

Mais alors d’où vient ce précieux don ? Yolanda me confie que son grand-père était un chanteur lyrique en Sicile quand il était jeune et que, plus tard, il peignait et donnait des cours de peinture. Une carrière artistique interrompue par la première guerre mondiale. Pourtant, après la seconde guerre, quand il vivait à Naples, il a toujours poursuivi ces différents projets artistiques. Par exemple il avait beaucoup de succès avec ces poupées, figures et sculptures, et me dit que c’est sans doute de là d’où vient l’hérédité artistique. Elle me dit alors qu’elle a appris énormément de choses lorsqu’elle était enfant avec lui. Elle n’a pourtant pas fait de cours de peinture et, me dit-elle, en classe elle était plutôt rebelle. Le seul cours de peinture qu'elle avait jamais commencé à suivre, elle avait été expulsé, car elle s'était opposée à quelque chose que l'enseignante a trouvé impertinent.

C’était une enfant têtue et contre l’autorité. A la fin pour préserver la paix, elle a toujours fini par suivre même si elle lutta intérieurement contre. Elle a tout de même réalisé quelques concours où la plupart l’ont menée à la seconde place car elle ne finissait pas l’exécution à cause de l’imposition du sujet. Yolanda vit seule et la peinture, c’est son équilibre : une envie et un besoin sans laquelle elle ne pourrait respirer. Elle aime d’ailleurs travailler avec les mains car, me dit-elle, c’est une manière d’être au plus proche du cœur. Ses peintures sont créées de manière intuitive. Bien qu’elle s'éloigne consciemment des représentations figuratives, des formes reconnaissables émergent pendant la réalisation. Elle les prend souvent et les déforme, les décompose ou les repeint partiellement avec des formes abstraites supplémentaires, des couleurs, de la luminosité ou des dessins. Parfois, pourtant, elle laisse ce qui est à venir. Ils ont alors une place légitime dans l’œuvre.  Cette interaction entre la figuration, l'abstraction plus expressive et les représentations presque sommaires lui plaît beaucoup. Grâce aux éléments positionnés de manière dynamique, l'aspect général ressemble à une narration. Il permet au spectateur de savourer l'horizon infini de son imagination et d'interpréter en même temps sa propre histoire. C’est instinctif comme si son esprit l’avait menée vers ce chemin. Chemin qu’elle empreinte d’ailleurs régulièrement lorsqu’elle fait de la marche tous les jours afin de lâcher-prise et donner naissance à ses nouvelles œuvres. Elle ne réalise jamais de plan de création mais elle trouve toujours un lien entre ce qu’elle crée car tout a un sens.

Elle me confie que, durant les dernières 20 ans, en travaillant comme assistante pour une maison de ventes aux enchères et après aussi pour un collectionneur d’art, elle s’est toujours trouvée à des endroits où l’histoire et l’art cohabitent. Qu’il y a toujours eu un lien avec l’art et même avec son art malgré une grande pause qu’elle a dû faire dans sa vie lorsque tout était bloqué. C’est là qu’elle s’est rendue compte qu’elle n’était pas heureuse. En 2013, elle connaît une grande volte, comme énoncé plus haut. Yolanda part à New York pour plusieurs mois pour faire une pause. Mais c'est après son retour en Suisse, que son questionnement de vie est alors au centre de ses réflexions. Cela n’a pas été une époque facile.

Avec sa reprise active de la peinture depuis le covid, Yolanda se rend compte que, dans les galeries d’art, il n’y a pas de place pour les autodidactes et qu’il est difficile de faire sa place. Pourtant, elle a réussi à participer à diverses manifestations artistiques et expositions collectives en Suisse et à l'étranger.

Tout cela c’est le fruit d’une recherche de soi qui a débuté il y a dix ans comme mentionné plus haut. Cela n’a donc pas été une quête facile et rien n’est jamais acquis dans la vie mais une chose est certaine, Yolanda sait aujourd’hui où elle va et montre, avec ferveur, qu’être artiste c’est donner son âme à son art et que, même si nous essayons de l’éviter, notre destin nous rattrape toujours. Car, le talent artistique choisit ses personnes et que celui de Yolanda n’a pas fini de se répandre.

 

​

Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

​

Publié le 1er octobre 2023

​

​

bottom of page