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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Marion-Lorraine Poncet 

"Artiste peintre"

           Aujourd’hui je vous présente l’artiste Marion-Lorraine Poncet que j’ai eu le plaisir de rencontrer à la Brasserie de Chailly, autour d’un café. Lors de notre discussion, Marion-Lorraine me présente divers travaux qu’elle a réalisé et qui reflètent des évènements de sa vie mais aussi et surtout, son âme.

Issue d’une famille d’artistes du côté de son père – son arrière-grand-père, Maurice Denis, son grand-père, Marcel Poncet et son oncle, Antoine Poncet – Marion-Lorraine avait, déjà petite, tout le matériel essentiel à l’exécution de ses dessins ou pour bricoler. Elle grandit à Vich, au-dessus de Nyon. Elle me dit se sentir parfois illégitime dans le domaine. Ses ancêtres artistes ont travaillé dur pour en vivre et, de plus, elle n’a pas fait les Beaux-Arts. D’ailleurs, avec le début de ses études universitaires en pharmacie, elle a dû laisser la création de côté durant une douzaine d’années pour s’y consacrer. Elle n'a pas conscience du manque que cela a généré. C’est son travail en pharmacie qui la « nourrit pécuniairement », me dit-elle. Un évènement particulier, survenu il y a trois ou quatre ans, une séparation, lui a permis, cependant, une reconnexion avec l’art. Le besoin de créer devient alors urgent. C’était comme une évidence et c’était nécessaire, me dit-elle. Elle a pu exprimer ce qu’elle avait, jusqu’alors, enfoui sans utiliser les mots. Elle est allée chez sa mère récupérer son matériel et d’un seul coup, tout est revenu. C’est ce qu’elle aime faire et ce qu’elle est. Elle a donc baissé son taux de travail à la pharmacie pour rétablir un équilibre avec son art et parce qu’elle voulait être libre.

Cela lui coûte d’exposer, me dit-elle, car elle se sent vulnérable et je lui dis alors que c’est comme si les personnes pouvaient lire son âme. Oui, mais également les questions qui surviennent alors en elle : « pourquoi je le fais, pourquoi je les montre ? » L’égo est présent et amène la réflexion.

Les côtés de la maîtrise et du détail sont très présents dans son travail artistique tout comme dans son travail de pharmacienne. L’aquarelle peut être maîtrisée jusqu’à un certain point, ajoute-t-elle, et elle aime cela dans cette technique. Le cercle est redondant dans sa production représentant souvent les astres dont la lune car, étant enfant, elle était déjà attirée par l’espace et regardait souvent des photographies de cette dernière. Elle recherche aussi une certaine unité que lui fournit ce cercle avec sa rondeur et sa fluidité. Je regarde une œuvre dont la particularité sont ses taches de peinture. Marion-Lorraine me dit que cela fait partie de la plante. Elle donne ainsi cet effet tacheté et le doré, réalisé avec de la feuille d’or, en est le pollen. La feuille de gingko accompagne cette dorure. Cette dernière est très présente aussi dans ses œuvres qu’elle réalise également sur du papier japon grand format. La calligraphie asiatique lui inspire sa signature « MLAM » écrit de manière verticale. Elle appose un dernier élément fin et détaillé, dotée d’une splendeur touchante, qu’elle va ensuite laisser vivre. Cette influence provient de ses parents qui avaient une admiration pour le Japon. De cela, elle me raconte qu’elle aime la diversité des supports pour réaliser ses œuvres. En effet, elle a, par exemple, réalisé une œuvre sur la porte d’armoire d’une amie. Les détails ajoutés dans ses œuvres ont un côté méditatif, poursuit-elle. Elle peut se poser et réfléchir : il en va de la santé mentale de l’artiste. C’est le moment où il est possible de faire une introspection de soi. Cela aide beaucoup à avancer.

Marion-Lorraine me montre ensuite plusieurs œuvres où apparaissent un ou plusieurs oiseaux, particulièrement des milans ou des corbeaux dont elle a un tatouage dans le dos : c’est son côté sorcière, mais aussi car ces oiseaux sont dotés d’une intelligence incroyable. Et pourtant, personne ne les aime, me dit-elle. C’est sa propension à l’empathique, comme lorsqu’elle était enfant. Elle les aimait déjà dans les contes que lui lisait sa mère. Dans les pays du Nord, ce volatile est un messager. Il n’a donc pas un rôle anodin. C’est aussi une histoire de famille puisqu’elle découvre, au décès de son frère, que, tout comme elle, il s’était fait tatouer un corbeau. Sans s’être concertés, ils s’étaient faits encrés à trois jours d’intervalle. Cet animal possède alors une autre symbolique et est d’autant plus précieux pour l’artiste. Il représente la fluidité mais aussi la liberté.

Dans son art, Marion-Lorraine travaille avec l’aquarelle mais aussi avec les plantes ainsi, elle allie ses deux travaux : art et pharmacie. C’est son côté botaniste mais aussi sorcière, me dit-elle, en riant. Elle crée ses propres pigments pour ses aquarelles – à nouveau le côté sorcière – qui ne sont pas aussi vifs et tranchés que les minéraux qui contiennent plus ou moins de matière. Ceci est le résultat d’un processus bien défini car elle aime réaliser les choses depuis leurs débuts. La chimie avec sa préparation lui permet une exploration du côté organique.

Elle me montre ensuite une œuvre où se trouvent quatre colombes représentant des êtres chers disparus : son grand-père, son père, son frère et un condamné à mort américain. Durant quelques années, elle entretient une correspondance avec ce dernier, de ses quinze à ses vingt ans. Sa mère correspond également avec lui et elles se sont attachées à lui. Une œuvre chargée de sens qui correspond à ce qu’elle a réalisé de plus intime dans sa production. C’est une commande de sa mère. A sa suite, elle me fait découvrir sa « guêpe-coucou » qu’elle a intitulé « Introspection », sans doute en raison de la position de l’insecte, qui semble changer de couleur tellement elle possède une variation de couleur incroyable. Les détails y sont fous. Elle y a passé des heures en compagnie de podcasts qui lui permettent, en regardant ses tableaux, de se rappeler ce qu’elle écoutait en les créant et se demande même s’il n’y aurait pas un peu de ces thèmes ou de musique qui s’inscrivent en eux. Elle suit des cours avec l’artiste Hélia Aluai où elle apprend, avec le dessin académique de nu entre autres, à réaliser une œuvre en deux minutes afin de s’imprégner du lâcher-prise et d’être bousculée dans sa production de détails.

Dans ses encres, comme des estampes, il est possible de découvrir des racines qu’elle crée au moyen de deux encres différentes, une indélébile, l’autre non réalisée avec de l’eau. C’est cette dernière qui migre et crée l’encrage des racines. Une merveille visuelle. Il y a toujours quelque chose qui s’exprime à travers elle lorsqu’elle crée. En effet, elle peut s’octroyer un temps de pause et y revenir en étant étonnée du résultat pictural. La peinture a-t-elle sa propre vie ? Vivant avec l’inspiration du moment, elle dit que c’est l’instant magique de l’art qu’elle aime. La nature étant toujours présente dans son travail, elle en fait le moteur de sa création.

 

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

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Publié le 24 août 2022

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